Technique

Fabriquer une porte à anse de panier

Catégorie : Technique

Texte et photos : Charles Julien

 

Pour rompre avec la monotonie de la forme droite, osons la fabrication d’une porte avec anse de panier. 

Si la fabrication d’un ouvrage à forme droite ne vous pose plus de problèmes insurmontables, le moment est alors venu de vous lancer dans la forme courbe. Je vous propose la réalisation « pas à pas » d’une petite porte de vaisselier à anse de panier. Avec le « chapeau de gendarme » et le « plein cintre », l’« anse de panier » est assurément un grand classique de la menuiserie comme de l’ébénisterie, mais sa réalisation en revanche ne s’improvise pas et réclame beaucoup d’expérience et de savoir-faire. 

« D’une grande élégance, le traçage de l’anse de panier est aussi d’une grande simplicité. »

Préparation 

La première étape, après la conception, est le choix du bois. Pour cet ouvrage, nous avons opté pour du frêne olivier fortement veiné, droit de fil, sans nœuds et d’une humidité d’environ 12 %. Il est inutile de prendre des risques avec un bois insuffisamment sec (risques de voilage et de cintrage) et/ou à l’homogénéité douteuse. Le débit et le corroyage n’appellent pas de commentaires particuliers, si ce n’est de prévoir un nombre suffisant de pièces d’essai pour un pointage de machines en toute décontraction. 

Pas à pas

 Plan et gabarit

01- En vue de réaliser une porte à anse de panier, un plan vraie grandeur (échelle 1) est suffisant pour la fabrication du gabarit (traçage et découpe du calibre) et l’étude des assemblages (ravancements et raccordement d’onglet). Pour le traçage, vous aurez besoin d’une grande équerre, d’un double-mètre de menuisier et d’un compas à crayon (ou d’un trusquin à longue tige). Pour pouvoir extraire directement par découpe votre calibre de forme, vous choisirez comme support de traçage soit un contreplaqué de 4 ou 5 mm d’épaisseur, soit un Isorel filmé, soit un Medium de même épaisseur. 

 

02- Le calibre correspondant précisément à la forme et à la dimension (y compris les tenons) de la traverse supérieure sera fixé par des pointes sur un panneau de 16 à 21 mm d’épaisseur, qui servira de guide et de support (gabarit) pour l’usinage des traverses définitives. 

 

 

03- Après une découpe grossière du panneau à la scie sauteuse (le plus près possible du trait mais sans le mordre), la forme du calibre sera reproduite sur le panneau à l’aide d’une défonceuse équipée d’une fraise à calibrer, le roulement prenant appui sur le calibre (panneau retourné). 

 

 « Soyez vigilant à ce que le roulement prenne bien appui sur le calibre de forme pendant l’usinage. »

 

 

04- Avant d’en terminer pour l’instant avec le gabarit, vissez tout autour du calibre des tasseaux de bois pour servir de repères et de butées aux traverses définitives. 

 

Traçage 

05- Établissement du bois par report au crayon rouge des signes d’établissement traditionnels. 

 

 

 

06- Afin d’obtenir une parfaite précision, il est préférable d’utiliser pour le traçage un double-mètre rigide plutôt qu’un mètre à ruban trop souple. 

 

 

 

07- Traçage des mortaises inférieures sur les montants à 15 mm des extrémités et 10 mm de ravancement du « clair intérieur ». Vous noterez les repères bien visibles, une croix pour les traits de coupe des extrémités et une flèche à double sens pour les mortaises. 

 

« Qui chante en traçant pleure en montant… »

 

 

08- Traçage des mortaises supérieures (toujours à 15 mm des extrémités et 10 mm de ravancement) avec épaulement central de 20 mm pour augmenter la solidité de l’assemblage. 

 

 

09- Pour finir, traçage au trusquin à disque (par rapport à la face de référence) du positionnement et de la largeur de la mortaise (uniquement sur la pièce d’essai). 

 

Mortaises

10- Une mortaiseuse à bédane carré est efficace, précise, souple d’utilisation et rapide à mettre en œuvre. Première étape : réglage de la profondeur. 

 

 

11- Deuxième étape : réglage latéral de positionnement de la mortaise à l’aide du traçage précédemment réalisé au trusquin. 

 

 

12- Et voilà le travail !… Rapide, propre, précis et sans bavures. 

 

 

« Avec le bédane carré, il n’est même plus besoin de dresser les extrémités au bédane comme dans le temps. »

 

13- Si vous manquez d’expérience, pour vous aider à mieux visualiser les pièces à usiner, vous pouvez dès maintenant dégrossir à la scie sauteuse (à 2 mm du tracé) le chantournement de la traverse supérieure après report de la forme au crayon ; normalement, cette opération se fait après les tenons. 

 

Tenons 

14- Pour la précision d’un usinage de tenons à la toupie, il est indispensable de travailler à la butée, c’est pourquoi toutes les pièces devront être taillées rigoureusement à la même longueur. À défaut d’un calibrage des longueurs à la butée, puisque les pièces sont déjà tracées, on surveillera avec soin son tracé. 

 

15- La découpe de l’anse de panier étant symétrique, elle ne nuit pas au bon appui de la traverse contre le guide ni à la qualité du tenonnage. Dans le cas contraire, il aurait fallu prévoir l’entaille du tenon avant la découpe. 

 

 

16- Une bonne astuce consiste pour le positionnement à utiliser comme gabarit une mortaise tronçonnée par le milieu, sa partie basse devant être alignée sur le point le plus haut de la fraise inférieure. 

 

« Un bon pointage de l’épaisseur et de la hauteur du tenon est primordial. »

 

17- Pour l’épaisseur du tenon, il faudra ajouter le nombre correspondant de rondelles entre les deux fraises. La correspondance de la partie haute de la mortaise avec le point le plus bas de la fraise supérieure donnera déjà une bonne idée du réglage. 

 

18- Comme toujours lors d’un pointage de machine, seule une présentation des deux pièces est à même de valider ce pointage. Pour économiser les pièces d’essai, je vous conseille lors du premier passage de ne pousser l’usinage que sur un minimum de surface… et bien entendu de mettre en place les protections et le presseur. 

 

19- Si l’affleurement des deux pièces et la tenue du tenon dans sa mortaise vous semblent corrects, vous pouvez alors pousser le tenon sur l’intégralité de l’extrémité de la traverse et attaquer le pare-éclats. Seul un essai avec pénétration totale du tenon dans sa mortaise vous permettra de valider définitivement le pointage. 

 

 

20- L’usinage peut maintenant être lancé sur toutes les pièces. Pendant le travail, je vous recommande vivement de souvent vérifier l’efficacité du presseur et la parfaite immobilité de la butée de longueur. 

 

 

 « Il est essentiel que la fixation immobilise parfaitement la pièce, aussi bien pour des raisons de sécurité que de précision de l’usinage. »

 

 

21- Pour une bonne tenue de la traverse supérieure, vous noterez que nous avons intercalé une cale sous le patin du presseur pour compenser le vide laissé par le chantournement. 

 

Calibrage

22- Les tenons sont maintenant terminés, nous pouvons passer au calibrage de l’anse de panier. Si un premier dégrossissage à la scie sauteuse ou à la scie à ruban n’a pas déjà été effectué précédemment (photo 13), c’est le moment de le faire. 

 

23- Les traverses sont maintenues sur le gabarit par des pinces sauterelles ou par un montage maison (voir l’article sur le bridage page…). 

 

24- Le calibrage au roulement est certainement la meilleure solution. Le roulement prenant parfaitement appui sur le gabarit en n’importe lequel de ses points, le profil, quelle que soit sa forme, sera reproduit avec une parfaite régularité. 

 

25- Il faudra monter le guide de travail à l’arbre et être vigilant à ce que son presseur (en noir sur la photo) soit parfaitement en contact (avec une légère pression) sur la pièce usinée. Vous noterez la présence d’une butée d’approche (long tasseau à droite sur la photo), qui servira d’appui au gabarit et lui permettra d’entrer doucement en contact avec le roulement (et donc avec l’outil de coupe). 

 

« Une entrée trop brutale dans l’outil de coupe est particulièrement dangereuse. »

 

26- Pour un travail sans danger et avec précision, il suffit de maintenir le gabarit en contact avec le roulement sur toute sa longueur et de pousser avec douceur et régularité. 

 

 

27- Dans le cas présent, le presseur noir est trop encombrant et ne peut pas être reculé comme il le faudrait c’est pourquoi, en venant buter contre la pince sauterelle, il empêche l’appui du roulement et la régularité de l’usinage (bosse sur la traverse en face de la pince sauterelle). 

 

28- La solution consiste ici à le démonter et à assurer la pression directement par le carter en métal. La solution n’est, hélas, pas toujours aussi facile à trouver. 

 

 

 

« Dans les montages d’usinage, il faut souvent faire preuve d’un peu d’imagination. »

 

29- L’usinage est maintenant terminé ! Vous remarquerez sa précision, sa finesse et sa régularité. La comparaison avec une découpe à la scie (sauteuse ou à ruban) n’est pas à l’avantage de cette dernière. Seul un calibrage à la toupie vous permettra d’obtenir un résultat d’une qualité aussi élevée. 

 

Ajustage 

30- Avant un premier montage à blanc, il faudra ajuster les tenons dans les mortaises et pour cela faire sauter les deux épaulements extérieurs et l’épaulement central. Un report direct à la règle est encore ce qui est tout à la fois le plus rapide et le plus précis. 

 

31- Pour faire sauter les épaulements, vous pouvez au choix travailler à la scie à main (japonaise de préférence, car d’une excellente coupe), à la scie à ruban ou à la scie circulaire. Pour ma part, j’ai choisi de travailler à la scie circulaire et au guide parallèle. Le résultat est rapide et parfait ; deux précautions s’imposent : sortir la lame au maximum pour diminuer sa courbure de coupe et être vigilant à ne pas aller trop loin sous risque de mordre l’arasement. 

32- Les deux épaulements externes (haut et bas) pourront aussi être supprimés à la machine moyennant un peu d’attention. Par mesure de précaution, ne cherchez pas à couper trop près du trait d’arasement, il est préférable de laisser environ 1 mm que vous ferez ensuite facilement sauter au ciseau à bois (voir photo 36). 

 

33- En revanche, pour l’épaulement central, il n’existe pas d’autre solution que de travailler au ciseau à bois. Pour ne pas risquer de faire éclater le bois, pensez à glisser une cale martyre sous la partie basse du tenon comme indiqué sur la photo. 

 

34- Pour ma part, je travaille là aussi directement à la scie circulaire. Dans le cas présent, ma traverse est en appui sur un tasseau de bois, et à chaque onglet, je coupe aussi un morceau de tasseau. L’opération semble délicate mais en fait est plus facile qu’il n’y paraît de prime abord. 

 

 

« Les coupes d’onglet sont toujours un grand moment de bravoure… et d’anxiété ! » 

 

 

35- Pour une parfaite pénétration, en douceur et sans risque d’arrachement de quelques fibres en extrémités de tenons, vous devrez donner un petit coup de lapidaire, rabot ou ciseau à bois à l’extrémité du tenon. 

 

 

36- Reprise de l’arasement de l’épaulement au ciseau à bois. Comme vous travaillez en bois de bout, il vous faudra en soigner l’affûtage. 

 

37- Les coupes d’onglet sur les montants sont exécutées, comme pour les traverses, directement à la scie circulaire. Une fois encore, le travail est plus facile à faire qu’il n’y paraît, à condition d’avoir un bon traçage (couteau à tracer ou crayon à papier mine dure et fine 3H) et de faire attention à ne surtout pas mordre le trait, il sera toujours temps de faire une légère reprise à la main. 

 

 

38- Le ravancement est d’exécution particulièrement délicate à la main, mais à la scie circulaire c’est un vrai plaisir, même pour un faible nombre (4) comme ici. 

 

 

39- La machine ne peut quand même pas tout faire !… et puis le travail au ciseau à bois est un excellent exercice. 

 

 

 

40- Il ne reste plus maintenant qu’à procéder à un montage à blanc ; un grand moment de vérité qui sanctionnera, parfois avec sévérité, la précision de votre traçage comme la qualité de votre usinage. 

 

Montage – finition 

41- Le collage est un moment très délicat et trop souvent mené imparfaitement. Pour un bon résultat, travaillez comme ici avec des dormants, à la colle vinylique à prise lente et à une température comprise entre 12 et 20 °C, et pensez à vérifier votre équerrage. Vous devrez aussi prévoir quatre serre-joints (un à chaque angle) pour obtenir une parfaite planéité. 

« Laissez sécher 24 heures avant de desserrer les serre-joints. »

 

 

42- La jonction de l’anse de panier et du montant, au niveau de la coupe d’onglet, est d’une grande fragilité, c’est pourquoi il vous faudra attendre un durcissement complet de la colle pour parfaire (à la râpe et à la cale à poncer) le raccordement. 

 

43- Pour la feuillure à verre au dos de la porte, un coup de défonceuse sur laquelle on aura monté une fraise à feuillurer à roulement et le tour est joué. 

 

 

44- Les meilleures finitions se font à la main : racloir pour le dressage et papier abrasif sur cale dans le sens du fil pour la finition et l’aspect de surface. 

 

 

45- Il ne vous reste plus qu’à faire sauter à la scie circulaire les surlongueurs des montants, opération que pour une raison mystérieuse on fait toujours beaucoup trop tôt. 

 

 


Sécurité

Attention : Pour une meilleure lisibilité, les protecteurs de la scie circulaire et de la toupie ont été ôtés dans certaines prises de vue. Nous n’insisterons jamais assez sur le fait qu’ils doivent impérativement être montés et couvrir l’outil de coupe avant de commencer l’usinage, même le plus simple ou le plus rapide.


 

Cet article est extrait du magazine N°178 de L’Atelier Bois, <

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À propos de l'auteur

Oriane L'atelier Bois

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